Le bassin versant de l’Ariège a connu lundi 10 janvier dernier une des plus grosses crues depuis près de 60 ans (3ème plus grosse crue à Auterive après celles de 1977 et 1981).
Éléments hydrométéorologiques
|
Cette crue fait suite à des précipitations importantes sur l’ensemble des Pyrénées, principalement sur le Plantaurel et la haute chaine Ariègeoise. Des cumuls importants ont été relevés (100 à 160mm en 48h). Cette pluviométrie a été accompagnée d’une forte fonte du manteau neigeux jusqu’à 2300m, qui a apporté un afflux supplémentaire dans les rivières.
Les affluents de l’Ariège ont drainé de forts débits d’eau et ont occasionné quelques débordements localisés sur l’Arget, le Scios, le Crieu. Les plus petites rivières ont également participé à la hausse des niveaux d’eau dans l’Ariège.
Au contraire de la dernière grosse crue de décembre 2019, qui concernait principalement le Vicdessos, ici c’est l’ensemble du bassin versant qui a réagi. A partir de Cintegabelle, les apports du Grand Hers ont été importants et la combinaison des eaux à entraîner les débits à des niveaux très importants (1150m3/s ont été relevés à Auterive au plus fort de l’épisode vers 2h00 du matin le 11/01/2022).
Cette crue de l’Ariège est estimée environ vicennale (1 chance sur 20 de se produire chaque année) à Foix et cinquantennale (1 chance sur cinquante de se produire chaque année) à Auterive.
Pour mémoire, voici les débits enregistrés en 1996 et 2019 :
|
|
|
Dégâts recensés
|
La puissance des flots a occasionné des dommages sur certains ponts, des enrochements sensibles mais a aussi touché des champs, et des habitations en particulier sur les communes de Venerque et de Le Vernet. Ces dégâts sur des biens publics et privés, seront dans les prochaines semaines, la principale préoccupation des sinistrés.
Sur les conseils du SYMAR Val d’Ariège, plusieurs campings et zones d’habitations ont été évacuées préventivement, comme ce fut le cas à Pamiers, Crampagna, Venerque et Le Vernet (31).
Ces forts débits ont été morphogènes sur la majorité des secteurs, avec une mobilisation des sédiments et des érosions de berges. Malheureusement, c’est également le cas au niveau des anciennes décharges de l’Ariège médiane à hauteur de Pamiers où les sites de Barrès et de Turrel ont de nouveau déversé de nombreux déchets anciennement enfouis (plastiques, métaux, bidons…). Cette pollution est rendue visible, comme en décembre 2019, par les plastiques accrochés aux arbres. Toutefois, la majorité des déchets charriés est peu visible. Elle a été emportée ou se trouve sous le niveau de l’eau.
|
Maison sinistrée sur la commune de Venerque
|
|
L'Ariège à Foix vers 14h00
|
|
Levées de laisses de crues le mardi 11 janvier 2022 au camping du Vernet (31)
|
|
|
De la casse dans les ripisylves
|
L’épisode a débuté par des coups de vent dans la nuit de dimanche à lundi. De nombreux arbres ont cassé en forêt, sur les routes et parfois en bord de cours d’eau. Les services municipaux, départementaux et les agents du SYMAR Val d’Ariège étaient tous mobilisés pour vérifier l’état des infrastructures, limiter la formation d’embâcles et faire appel à des entreprises forestières pour dégager les points noirs. Pourtant, il y a eu peu d’embâcles dangereux sur les piles des ponts départementaux et communaux en partie grâce à l’action du syndicat qui depuis 20 ans entretient les bords des cours d’eau. Cet entretien régulier, tous les 4 à 10 ans selon les secteurs dans le cadre d’un Programme Pluriannuel de Gestion, est effectué pour pallier les carences des propriétaires riverains qui n’ont souvent pas les moyens techniques et financiers de le faire.
Initialement très sévère et systématique, l’entretien des cours d’eau est désormais adapté selon les enjeux, en ciblant en priorité les arbres sénescents, ceux étant déjà à terre et ceux particulièrement à risque au droit des zones à enjeux. Cet entretien différencié, permet de concilier le maintien d’une biodiversité des rives très importante pour la qualité de l’eau et des écosystèmes, la limitation de prolifération des espèces invasives[1] et la limitation du risque d’embâcles dans les ponts.
Cet entretien des berges fait partie de la compétence GEMAPI[2], exercée par le syndicat pour le compte des Communautés de Communes et d’Agglomération adhérentes. La prévention des inondations, nouvelle mission pour le SYMAR Val d’Ariège, est un grand chantier commencé fin 2018, qui implique, au-delà des ouvrages de protection contre les crues à entretenir et à surveiller, toute une politique de prévention, d’information et de connaissances (comme l’inventaire des repères des crues passées), à la population en collaboration avec les communes et les services de l’Etat, dont l’ONF-RTM.
Depuis 2016, les intercommunalités (6 Communautés de Communes ou l’Agglomération Pays Foix-Varilhes sur le bassin versant) mobilisent la taxe GEMAPI pour financer cette compétence. Elle est répartie sur les 4 taux d’imposition existants (TH, TFPNB, TFB et CFE[3]). Cette participation collective est nécessaire à la bonne connaissance et à l’entretien de nos rivières, ainsi qu’à la prévention des inondations.
[1] Renouée du Japon, Balsamine de l’Himalaya, Robinier-Faux acacia… qui adorent les milieux très lumineux.
[2] Gestion de l’Eau, des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations
[3] TH : Taxe d’Habitation | TFPNB : Taxe Foncière sur les Propriétés Non Bâties | TFPB : Taxe Foncière sur les propriétés bâties | CFE : Cotisation Foncière des Entreprises
|
Un arbre tombé en travers du Scios à Montgailhard à l'aval des Forges (vers 15h00)
|
Une action de sensibilisation au risque inondation à grande échelle
|
Cet épisode important aura eu le mérite d’intéresser une grande partie des riverains et des élus sur les problématiques d’inondations par ruissellement et débordement des cours d’eau.
Cette piqûre de rappel est bienvenue pour notre territoire où la majorité des habitants n’a plus le souvenir des derniers épisodes dommageables (1977, 1982), de par la perte de mémoire collective, le vieillissement des témoins ainsi qu’à cause de changements de lieux d’habitation.
L’élaboration de la stratégie de prévention des inondations, conduite depuis plus d’un an par les équipes techniques et politiques du SYMAR Val d’Ariège, prend tout son sens à l’aune de ces inondations. Le besoin d’actions d’amélioration de la conscience du risque auprès des habitants et des élus pour limiter les dégâts sur le territoire est aussi confirmé.
|
|